Entretien avec Loïc Touzé
(programme de salle TU Nantes, janvier 2013)
Quelle place donnez-vous à la voix dans cette pièce ?
LT : Juste à côté de la mythologie comme matériau, s’est imposée pour moi la voix comme nouveau territoire d’exploration du corps. La voix devient un embrayeur principal pour engager une activité corporelle et produire du paysage. C’est un outil qui permet de vocaliser le récit sans le dire. On peut y puiser des nuances, des couleurs, des timbres qui nourrissent en profondeur le mouvement et l’imaginaire.
Si l’on regarde vos dernières pièces de groupe présentées LOVE et « La Chance », le travail de l’interprète s’appuie sur son imaginaire ou sur la déconstruction du mouvement vers une danse inédite. Dans cette création, vous vous saisissez de la mythologie grecque comme source de travail. Pourquoi avoir fait le choix de cette source qui n’est pas donnée d’évidence comme chorégraphique ?
LT : Dans l’histoire de la danse, il y a eu beaucoup d’emprunts à la mythologie d’Isadora Duncan à Martha Graham. Dans ce travail, il ne s’agit pas d’être citationnel. J’ai toujours été intéressé par la notion de prégeste. Le prégeste du théâtre c’est le théâtre grec, la mythologie. Ce qui m’intéresse c’est qu’il n’y avait pas à cette époque là de distinction entre théâtre, chant et danse. J’y vois l’origine de la performativité. La mythologie nous concerne dans notre culture de manière évidente et intense. Fréquenter la mythologie et jouer avec ses motifs est formidablement inspirant pour travailler. C’est aussi un objet de partage avec le public qui est concerné par ces récits.
Les interprètes dansent, vocalisent, chantent, racontent des récits dans cette nouvelle création. Que pouvez-vous dire du travail des interprètes avec la voix et le récit ?
LT : C’est très difficile sur un projet de création en quelques mois d’approcher un territoire aussi vaste que le territoire vocal. Mais c’est très stimulant pour l‘imaginaire corporel de l’aborder. Dans LOVE l’articulation résidait entre le vrai et le faux, pour « La Chance » : peut-on danser hors du chorégraphique, offrir un geste qui se situe en deçà ou au delà des effets d’éducation. La condition de pouvoir être à un moment une figure de la mythologie ne peut passer que par la conscience de jouer à faire cette figure. C’est dans ce battement entre « je fais/je suis » que l’interprète s’autorise dans le cadre de cette pièce.