À la tête du Centre dramatique de Normandie, David Bobée aime les rencontres transdisciplinaires. Après son aquatique Lucrèce Borgia et son Peer Gynt joué dans un décor de fête foraine, il met en scène, avec Corinne Meyniel, les grandes figures féminines des opéras d’Haendel : de l’impériale Esther à la chaste Suzanne, de l’ardente Sémélée à Dalila la traîtresse ou Déborah la guerrière. Sur un plateau tournant, cinq interprètes, de cinq nationalités différentes, revisitent ces destins féminins. Deux chanteuses lyriques, la soprano Yun Jung Choi et la mezzo-soprano Aude Extrémo, enchaînent en alternance les morceaux de bravoure haendeliens tandis que deux danseuses contemporaines et une contorsionniste norvégienne se glissent dans les rôles des héroïnes. Piétas improbables enveloppées de voiles et de jupons, qu’elles finissent par jeter dans un élan libératoire, comme on se libère d’un habit pesant, pour affirmer leur corps et leur liberté. Car dans les plis et replis de ce spectacle, il y a un manifeste qui entend bien déjouer l’imagerie dominante sur le féminin. Ange ou démon, vierge ou putain, mère courage ou pécheresse, les personnages de Louées soient-elles s’émancipent de ces stéréotypes pour se réinventer au présent.

En une succession de tableaux d’une grande beauté visuelle, ces corps et ces techniques contrastées signent le geste artistique et politique d’un metteur en scène qui affirme, une fois de plus, sa volonté de promouvoir la diversité. Loué soit-il !