Sur scène, Jérôme Brabant rencontre Florence Kutten et évidemment ça secoue, ça se télescope et ça fait surgir quelque chose d’inédit. Une rencontre inattendue tant les univers des deux créateurs semblent opposés. Dans chacune de ses créations, le chorégraphe déploie une danse abstraite, à partir de phrases chorégraphiques qu’il décline pour en faire un paysage en changement permanent, à l’instar de Planètes présentée au Manège il y a deux ans. Que ce soit dans ses sculptures, peintures ou installations, Florence Kutten, elle, se saisit de la matière à bras-le-corps pour créer des personnages hybrides, munis de carapaces et d’armures pour lutter contre l’absurdité du monde. Partageant une même fascination pour la figure fractale – cette structure similaire à toutes les échelles, que l’on peut observer dans les flocons de neige, le chou-fleur ou les vaisseaux sanguins – les deux artistes relèvent le défi d’allier geste dansé et geste pictural pour créer ensemble une œuvre en direct sur le plateau. Tandis que Jérôme déroule des séquences répétitives qui s’inspirent des formes géométriques observées dans la nature, Florence insuffle de la vie à la matière, investit le sol, trace des ramifications. Usant avec une réjouissante liberté du corps autant que de la peinture, les deux partenaires s’éprouvent, se détachent, se retrouvent, toujours désireux d’établir un mouvement l’un vers l’autre. Quelque part entre le défi intellectuel et l’engagement corporel, se révèle un très inclassable objet scénique, qui tend à célébrer la beauté du monde.