Note d'intention
Sur le chemin de l’école avec ma petite fille
Une femme, mal coiffée, qui traîne sa petite fille. La femme a bu. La fille pleure. La femme hurle : « Sale gamine, je vais t’en foutre une bonne paire !... » et puis elle le fait… etc.
Un petit peu plus loin
Un homme soigné. Seul un trou dans ses chaussures et la boue sur ses pantalons le trahit. Et une attitude : Il est penché au dessus d’une poubelle et fouille… trouve un bout de sandwich et le mange… etc.
Un petit peu plus loin dans le parc
Trois garçons une fille six chiens (dont un avec une patte en moins) et une cinquantaine de canettes de bière : vides, moitié vides et pleines. Il fait froid. Ils ont allumé un feu avec les panneaux en bois qui expliquent la flore et la faune d’un parc naturel au milieu urbain… etc.
Un petit peu plus loin…
Des hommes… que des hommes, dans le bar PMU qui fait le coin. Ils sont en au chômage. Ils sont tous au chômage et ils sont en colère. Tous les jours. Ils boivent et ils sont en colère… etc.
Un petit peu plus loin
La femme et son bébé. Assis par terre devant le supermarché. Elle se lamente dans une langue que nous, ma petite fille et moi, nous ne comprenons pas. Elle s’agrippe à ma jambe. En français : « S’il vous plait, s’il vous plait, pitié, pitié ! » etc.
Et puis nous voilà arrivés à l’école.
Quoi dire aux gens ?
Aimez vous bien ? Reprenez vos études ? Buvez des tisanes, c’est bien pour la santé ?
Quoi dire aux gens ?
Quoi dire à ma fille ? Et comment ?
Comment raconter des histoires marrantes dans un monde en crise et qui n’est pas marrant ?
Une nouvelle création, comme un état des lieux à un certain moment dans le courant des temps… et des actions : Qu’est-ce que j’ai dans mon sac ? « Catastrophe et Bouleversement » c’est l’invention d’une nouvelle discipline de cirque : « La grande désillusion ! » Un monde en crise, un monde où plus rien ne marche : Le chapiteau ne tient pas. (Attention, ce n’est pas une métaphore !) D’ailleurs il est à vendre, qu’est-ce que je dis, il est à louer… à céder… d’ailleurs : tout est à céder, tout à vendre. Le banc sur lequel tu es assis, tu peux partir avec… tout doit disparaître ! Comme c’est marqué en grandes lettres en dessus de l’entrée.
Le procédé est renversé. La question n’est pas : Quelles sont les conditions pour que nous puissions faire notre numéro, mais au contraire : Qu’est-ce qui peut arriver… et jusque où peut aller l’empêchement avant que je renonce pour de bon.
Et toi, spectateur, sur ton banc qui ne tient pas, tu dois te lever, te rasseoir, bouger à gauche, bouger à droite trouver un équilibre précaire avec tes voisins tu dois déménager, errer dans une maison hantée, tu dois lorgner à travers des trous, assister à des poésies parfaitement interdites, tu dois trouver ta place, sur un autre banc bancal. Bref : tu dois participer… participer à ce naufrage de ce cirque du fin du monde. Et puis tu dois évacuer les lieux avant que tout s’écroule. (Ça aussi ce n’est pas une métaphore)
Et miracle ! C’est incroyablement beau, c’est incroyablement marrant !
Dans un monde fragile, précaire, incertain et dangereux, c’est l’essence même du cirque qui sublime ses attributs en beauté. Rien de plus précaire qu’un équilibre sur une main. Rien de plus dangereux que le ballant d’un trapèze et qui transpercera le chapiteau au dessus du public. Rien de plus touchant que l’enthousiasme du clown face à une situation sans issue !
Voilà le point de départ mais qui n’est rien d’autre qu’une suite de mes « préoccupations » à travers mes créations depuis vingt ans : Parfois j’ai des Problèmes partout, Alerte !, Le Monde de l’extérieur, Arbeit !, ou bien Raté Rattrapé Raté. Les Titres sont programmes.
J’étais seul, on était deux, nous étions trois, puis quatre. La famille s’est agrandie nous serions six…
Karim Malhas ce n’est pas un clown, ce n’est pas un acrobate, c’est un phénomène !
Mathieu Hedan ce n’est pas un équilibriste, c’est un phénomène !
Julien Crammilet ce n’est pas un acrobate en l’air, c’est un phénomène !
Noémie Armbruster, ce n’est pas une chanteuse, une trapéziste, une clown formidable, c’est un phénomène !
Yannik Chassignol : c’était un clown, c’était un acrobate, c’était toujours un phénomène il est devenu chef monteur du chapiteau il est devenu personnage et il est devenu dangereux !
Il y en a un qui peut les dompter, c’est Christian Lucas qui porte son regard sur mes bricolages depuis tant d’années, il y a Raymond Sarti et son équipe de scénographie, Hervé Gary et ses lumières, Olivier Manoury et sa musique, et puis celle qui assistait pendant tant d’années le grand Benno Besson, qui va être avec nous ! Bérangère Gros. Et tant d’autres qui sont sur le chemin, vont venir d’un moment à l’autre… et moi : Je suis toujours là. Je te laisse, je vais aller travailler.
RDV le 5 Octobre 2012 à vingt heures trente quatre. Si tu veux je te retiens une place….
Nikolaus - novembre 2011